Une (grande) partie du travail de l’agriculteur consiste à… remplir des papiers. Oui, je sais, ça casse le mythe du fermier qui passe son temps avec ses bêtes et son tracteur, mais aujourd’hui, l’agriculteur est avant tout chef d’entreprise, avec tout ce que cela implique, auquel il convient d’ajouter toutes les déclarations, dérogations et autre formulaire en –tions qui lui permettent d’être à jour de ses obliga-tions.
Au sein de la ferme, la partie administrative est donc répartie comme suit : tout ce qui concerne la gestion de l’entreprise, c’est moi qui m’y colle, tout ce qui concerne l’exploitation agricole, c’est pour David. Depuis 15 jours, je suis bien contente de ne pas m’occuper des déclarations agricoles :
Avant de partir à la recherche du Père Noël sur le continent, nous avions décidé, Chloé, Jules, David et moi, d’aller rendre visite à nos brebis en exil hivernal sur l’îlot d’à côté. Nous voilà donc partis sous une pluie battante et par un vent à décorner un bélier, voir notre troupe avec quelques gâteries dans la poche. A peine arrivés au Lédenez de Quéménès, nos mémères viennent nous voir, et quémandent quelques douceurs.
Là tout de suite, vous devez vous demander le rapport avec les papiers administratifs ; je vous promets que l’on va bientôt y arriver, mais il faut d’abord planter le décor.
Alors que nos mémères se goinfrent, David nous fait judicieusement remarquer qu’il ne voit pas notre bélier Caradoc. Le Lédenez ne fait que 4 hectares, il y a peu de cachettes, nous décidons de partir chacun à sa recherche. Une demi-heure plus tard, nous nous retrouvons à notre point de départ : aucun de nous n’a aperçu notre bélier, pourtant difficile à louper tant ses cornes sont majestueuses. Nous décidons de compter les animaux présents et nous rendons finalement compte qu’il n’y a pas que Caradoc qui ait disparu, mais qu’il manque également 6 femelles ! Aucune trace de lutte ou d’intrusion, aucun indice, ils se sont volatilisés. Nous n’écartons pas le fait qu’ils aient pu chercher à revenir à la ferme où les derniers agneaux attendent leur tours pour rejoindre l’abattoir, et faisons le tour de l’île à leur recherche. Les agneaux sont bien là, mais aucune trace de Caradoc et des 6 autres brebis. Une seule solution est envisageable : ils seront allés se promener sur l’estran à la faveur de la grande marée et se seront fait surprendre par la remontée rapide de la mer. Les conditions météo déplorables des jours précédents excluent toute intrusion extérieure, pas un seul bateau n’était venu jusqu’à Quéménès pour la grande marée.
Passés le choc, la surprise, et la déception d’avoir perdu notre bélier et 6 mémères pleines qui auraient dû mettre bas en février, il faut prendre les mesures qui s’imposent.
1) prévenir la gendarmerie : avec les fêtes de Noël qui approchent, bon nombre de familles vont se promener sur le littoral et certains pourraient trouver l’une de nos bêtes échouée. David appelle donc la gendarmerie du Conquet. Je vous laisse imaginer la surprise du gendarme au bout du fil quand David lui explique que 7 de nos bêtes ont « disparu », mais qu’on aimerait bien récupérer les boucles d’identification qu’ils ont aux oreilles pour notre suivi administratif.
2) Prévenir l’assurance : là, ça se complique. La fille reste dubitative et ne comprend pas que des animaux puissent « disparaître ». « Il doit y avoir des traces sur la clôture » ; sauf qu’il n’y a pas de clôture. Evidemment, nous ne sommes pas couverts pour la « disparition » d’animaux. Par contre, s’ils sont dans un bâtiment et que celui-ci brûle, nous serons couverts et pour le bâtiment, et pour les animaux. Ca nous fait de belles jambes, ils sont dehors toute l’année.
3) Faire la déclaration de mouvement : toutes les bêtes sont numérotées et il faut déclarer à l’organisme compétent tous les déplacements : quand on les vend, quand ils vont à l’abattoir, chez l’esthéticienne, en vacances chez des potes, etc. Le formulaire est simple : colonne de gauche, d’où tu viens ; colonne de droite, où tu vas.
- A gauche : Ferme de Quéménès, Siret, n° d’élevage, adresse, nom des parents, âge du capitaine, OK.
- A droite : ben c'est-à-dire que l’on ne sait pas bien où ils sont allés, c’est un peu le problème. On a ajouté une petite note en disant qu’ils avaient disparu, mais ça ne rentrait pas dans les cases, alors d’ici à ce que l’on nous appelle pour dire que notre déclaration n’est pas réglementaire…
(ce qui me fait penser à Zézette dans le Père Noël est une ordure qui remplit son formulaire d'allocations familiales : "forcément : ça dépend, ca dépasse !")
David qui remplit ses formulaires ; même Gaston serait moins sceptique devant un micro-ondes !
Nous clôturons notre exercice comptable au 31 janvier, donc c’est bientôt à moi d’entrer en action : j’ai hâte !!!